[1927] MIKNIENKO, Nestor, dit « Makhno », né le 27 octobre 1889 [Rapport de la police française]

Septembre 1927

MIKNIENKO, Nestor, dit « Makhno », né le 27 octobre 1889, à Goulaï-Melo (Russie), de Jean et de Evdokis, Péridivi, vit maritalement depuis plusieurs années avec Kousmenko Galina, dite « Kouzmienko », né le 28 Décembre 1896, à Kiev (Russie), de André et Tkachenko Dominique, mère d’une fille, Lucie, née à Varsovie le 30 Octobre 1922.

Miknienko a fait une demande de carte d’identité à St Cloud le 12 décembre 1925, et cette carte lui a été accordée sous le numéro n° 2.335.811 par la Préfecture de Seine-et-Oise ; elle lui a été remise le 23 novembre 1926 par l’intermédiaire du Service des Etrangers. Il possède en outre, depuis le 11 mars 1927, un récépissé de demande de carte d’identité qui lui a été délivré par la Préfecture de Police.

Sa maîtresse est titulaire de la carte d’identité n° 17.429 délivrée le 31 Mars 1925 par la Préfecture de Police ; elle a fait enregistrer un changement de résidence le 14 Octobre 1926 au Commissariat de Vincennes.

Miknienko est arrivé en France le 24 juillet 1923 [???], porteur d’un passeport n° 1.895 délivré le 13 Septembre 1924 [???] à Berlin, ou il a résidé, 4 Kniprodest. Il a demeuré à St-Cloud, 1122 rue Tahère, puis après avoir reçu asile, pendant deux mois environ chez l’anarchiste Friquet, Georges, 47 bis rue Jean Jaurès, à Romainville. Il est entré le 21 juin 1926 rue de la Jarry, 18, à Vincennes, où il occupe une chambre d’un loyer mensuel de 300 francs.

Il donne asile, depuis le 6 juillet 1926, à un compatriote, Charlamor ou harlamow, dit « Charlamon » Vasyl, né le 4 janvier 199 [1899 ], à Hulay-Polé (Russie), de Antoine et de Rapcor Efrossine, célibataire.

Charlamor est titulaire de la carte d’identité n°379.855 délivrée par la Préfecture de Police le 25 janvier 1927 (C.C. N° 1062888). Antérieurement, Charlamor a résidé à Knutange (Moselle) où il travaillait à la société Métallurgique. Il est arrivé dans cette localité au début de 1926, porteur d’un passeport polonais délivré à Scarosta le 19 Novembre 1925.

Il exerce la profession d’aide fondeur et travaille à la fonderie Bour, 6 rue de la Jarry, à Vincennes, au gain journalier de 35 francs. Il n’a donné lieu, jusqu’à présent, à aucune remarque au point de vue politique.

Miknienko a aussi donné asile à un autre compatriote Zayach, Vassil, né le 29 Décembre 1899, à Zoloczew (Russie), qui était arrivé de Knutange en même temps que Charlamor. Dans la soirée du 1er Octobre 1926, Zayach s’est tiré une balle de révolver dans la tête et est décédé le lendemain à l’hôpital St-Antoine.

Miknienko a exercé la profession de tourneur puis celle de cordonnier. Il est actuellement sans travail.

Son état de santé est précaire ; on le dit tuberculeux.

Sa maîtresse, la nommée Kousmenko, est occupée dans une manufacture de chaussures de la Capitale. Elle aurait été institutrice en Russie.

Cette étrangère est arrivée en France le 18 Septembre 1924, avec un sauf-conduit délivré à Berlin le 14 Août 1924 et valable pour un voyage aller-retour seulement. Refoulée par le Service des Etrangers le 17 Décembre suivant, elle a été autorisée à résider en France à la suite d’une intervention de MM. Lafont et Paul  Faure, députés.[1]

Miknienko serait d’origine paysanne. Il est entré dans le mouvement anarchiste ukrainien en 1906 et a été condamné à mort dans son pays, en 1908, pour s’être livré à des violences sur des fonctionnaires. En raison de son jeune âge, sa peine fut commuée en celle des travaux forcés à perpétuité. Délivré en Mars 1917 par la révolution russe, il prit le pseudonyme de « Makhno » et forma une armée de partisans qui combattit les armées blanches et rouges.

En 1921, après la défaite par les bolcheviks des insurgés qu’il commandait, il se réfugia en Roumanie où il fut arrêté et déporté dans un camps de concentration. Il s’évada en 1922 pour retourner en Pologne, mais ayant ourdi un complot à Varsovie et à Strzatkow en vue de renverser le nouvel état polonais, il fut incarcéré à nouveau. En Décembre 1923, il bénéficia d’un verdict d’acquittement.

Lors de sa détention et de son procès, les anarchistes parisiens menèrent une campagne de protestation et une souscription fut ouverte en sa faveur par « Le Libertaire ».

En Juillet 1924, il quitta la Pologne pour se rendre à Dantzig d’où il fut expulsé, puis à Berlin d’où il est venu à Paris.

Il collabore, sous le pseudonyme de « Makhno » au journal « Le Libertaire » dans lequel il a publié ses mémoires sous le titre « Mon Autobiographie ». Cette publication, qui commencé le 12 mars 1926, avait été annoncée en ces termes par l’organe anarchiste : « Les mémoires de Nestor Makhno – L’anarchiste révolutionnaire russe qui, à la tête des insurgés ukrainiens, tint tête aux hordes blanches et rouges ».

Miknienko est en relation avec les principaux militants anarchistes et fréquente assidûment la « Librairie Sociale Internationale », 72 rue des Prairies.

Il est membre du Comité International de Défense Anarchiste et l’un auteur du projet d’organisation internationale des anarchistes communistes et compte au nombre des dirigeants en vue du groupe anarchiste russe dont le siège est situé, 72 rue des Prairies.

Cet étranger a fait partie de la commission provisoire chargée d’organiser la réunion internationale anarchiste qui s’est tenue le 20 Mars dernier au Cinéma des Roses, à l’Hay-les-Roses, réunion au cours de laquelle il a pris la parole. Il a même été désigné comme membre provisoire du « Bureau International Anarchiste » constitué pendant la même séance.

Le 24 juin dernier, au cours d’une réunion organisée salle des Sociétés Savantes par le « Club du Faubourg », il a traité le sujet suivant : « La vérité sur les pogroms en Ukraine » et « Comment j’ai protégé les juifs ».

Enfin le 21 juillet, il a assisté au banquet offert par le « Comité International de Défense Anarchiste » pour célébrer la libération des anarchistes Ascaso, Durruti et Jover et y a prononcé une allocution en langue russe.

[1] Ernest Lafont (1879-1946) avocat, maire de Firminy, ayant mené plusieurs campagnes avec les anarchistes avant guerre (contre Aristide Briant, campagne anti alcoolique avant la première guerre mondiale), membre du Parti Communiste après le Congrès de Tours fin 1920, il en est exclut dès 1923 pour avoir refusé les décisions liberticides de l’Internationale Communiste. Il créé alors l’Union Socialiste Communiste – qu’il quittera pour le Parti Socialiste en 1928 – il est élu député socialiste de la Loire en 1924. Paul Faure (1978-1960) : député socialiste de la Saône et Loire, Secrétaire général de la SFIO (Parti Socialiste). Ancien guediste dans les années 1900, il représente l’aile gauche du Parti Socialiste.

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