Nestor Makhno se révéla une des plus remarquables figures populaires de la révolution russe : chef des gens de la terre, organisateur d’une armée unique en son genre, libertaire, quoique rudement disciplinée, dictateur à sa façon et dénonçant sans cesse l’autorité comme le pire mal ; créateur d’une stratégie audacieuse qui lui permit de battre tour à tour les vieux généraux chevronnés, élèves des anciennes écoles de guerre, et les jeunes généraux rouges ; créateur d’une technique nouvelle de la guerre des partisans, dont l’attelage, cabriolet ou charrette – la tatchanka des campagnes petites-russiennes – portant une mitrailleuse, était un des instruments. La confédération anarchiste du Tocsin (Nabat) avec Voline, Archinov, Aaron Baron, Rybine (Zonov) donnait au mouvement l’impulsion idéologique. L’armée noire de Makhno a souvent été accusée d’antisémitisme. Des excès antisémites, il y en eut en Ukraine sous tous les drapeaux : il n’y en eut pas où les Noirs furent réellement maîtres de leur mouvement, les auteurs soviétiques ont dû le reconnaître. On s’est plu, dans des publications communistes, à dénoncer ce mouvement comme ayant été celui des paysans cossus. C’est faux. Un travail assez consciencieux fait sous l’égide de la commission d’histoire du parti communiste de l’URSS établit que les paysans pauvres et moyens formaient le gros des troupes de Makhno [1].On a reproché à ce mouvement son caractère désordonné et ses excès ; on l’a qualifié de « banditisme ». Les mêmes reproches doivent à tout aussi bon droit être adressés à tous les mouvements qui se disputèrent l’Ukraine : pas un ne fut pur d’excès.
[1] Koubanine : Le mouvement Makhno (en russe, Librairie de l’État – En Français : Archinov : Histoire du mouvement makhnoviste (Libertaire). L’auteur de ce livre, ancien compagnon de Makhno, s’est rallié à Staline en 1935.